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CNGE > Espace communication et presse > Lettres et communications du Président > Manifeste pour un système de santé organisé | |
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Manifeste pour un système de santé organiséEdité le 28 Mars 2019Créé le lundi 1 avril 2019 Collège national des généralistes enseignants Manifeste pour un système de santé organisé I - Etat des lieux et enjeuxPour de nombreuses raisons qui sont historiques autant qu’économiques, le système de santé français n’est ni organisé ni hiérarchisé. Ceci nous différencie de certains de nos voisins européens. La crise démographique médicale, un mauvais rapport coût-efficacité et des défauts de qualité persistants sont directement liés à une mauvaise organisation du système de santé. Celle-ci est caractérisée par une confusion et un empilement des rôles, de mauvaises définitions et répartitions des missions, avec une formation des professionnels confortant dès l’origine cette confusion. Le système de santé français procède d’un modèle non structuré par niveau de recours qui a été laissé à l’initiative des acteurs sans intégrer des objectifs de cohérence et de pertinence. Le paysage a été modelé depuis 60 ans par la culture du fonctionnement des centres hospitaliers universitaires (CHU) et par le modèle centré sur l’hôpital qui en est la conséquence. Il s’est développé en raison des succès des CHU permis par les progrès de la science, développement facilité par une prise en compte très relative de la contrainte économique et par l’absence initiale de problèmes démographiques. Les gouvernements les plus récents ont commencé à manifester une volonté politique d’organiser les soins. Les pouvoirs publics ont pris acte des défauts constitutifs d’un système très centré sur les hôpitaux, et de la part excessive de la dépense de santé induite par le secteur hospitalier, ce dernier déstructurant le système en monopolisant les innovations et les moyens en dépit de l’affichage d’un « virage ambulatoire ». Pourtant, les autorités de tutelle continuent souvent de penser que la qualité du système de santé procède essentiellement du secteur hospitalier. La réflexion doit être prospective et s’adapter au monde de la santé de demain. La détermination du rôle des professionnels et du nombre respectif des différentes spécialités auxquelles il faut former les étudiants ne doit pas viser à reproduire ou adapter l’existant à la marge, mais tenir compte du paysage à venir et de l’évolution du système de santé. Son organisation doit être pensée par niveau de recours en fonction de la complémentarité des rôles des professionnels. II - Organiser le système de santé selon une hiérarchie des niveaux de recours aux soinsPour atteindre une complémentarité efficace, il convient de définir les lignes de partage entre les rôles des professionnels. Leur répartition se situe entre soins médicaux de première ligne dans l’environnement du patient, soins médicaux de deuxième ligne de recours et d’expertise, et soins médicaux de troisième ligne dans les établissements de santé. 1/ La première ligne La médecine de 1re ligne, partie des soins de santé primaires, se définit comme une médecine de premier recours, premier contact médical du patient avec le système de santé, avec plateau technique léger. L’OMS a actualisé le message de la déclaration d’Alma Ata (1978) à Astana en 2018 : « Nous sommes convaincus que le renforcement des soins de santé primaires est l’approche la plus complète, efficace et économiquement rationnelle pour améliorer la santé physique et mentale des populations, ainsi que leur bien-être social, et que les soins de santé primaires sont la pierre angulaire d’un système de santé durable dans l’optique de la couverture sanitaire universelle et des objectifs de développement durable liés à la santé. » La médecine générale est définie au plan européen (Wonca 2002 et 2011) comme la spécialité médicale des soins de santé primaires. Les compétences professionnelles ont été définies sous l’égide d’une « mission compétences » du Ministère de la santé : Premier recours/urgence, Approche globale/complexité, Continuité/coordination/synthèse, Education/prévention/dépistage, Relation communication/approche centrée patient, Professionnalisme. La médecine générale, médecine de 1re ligne, gère les situations complexes et/ou incertaines, privilégie la clinique et ne recourt à la technique qu’en cas de nécessité ; sa finalité n’est pas d’aboutir impérativement à un diagnostic étiologique mais de déterminer un diagnostic global de situation déterminant les procédures les plus favorables au patient à tout moment et dans une perspective sur la durée. Son champ d’activité est essentiellement ambulatoire. Cette 1re ligne prend en charge l’ensemble des demandes de soins et en résout la grande majorité à la différence d’une médecine de tri. Elle assure, de façon organisée ou opportuniste, le dépistage et la prévention, l’éducation à la santé et l’éducation thérapeutique du patient. Pour jouer ce rôle, elle doit s’appuyer sur des médecins compétents et bien formés, travaillant en pluri professionnalité avec les autres acteurs de la 1re ligne, et disposer du temps médical nécessaire, de la logistique et des financements permettant la réalisation de ces missions.Elle doit mailler le territoire et bénéficier d’une structuration dont les CPTS constituent aujourd’hui le niveau d’organisation jusque-là manquant. 2/ La deuxième ligneLa médecine de 2e ligne relevant des soins secondaires est définie comme la médecine de recours à une expertise ciblée, ponctuelle ou répétée pouvant s’exercer dans des établissements de santé, mais aussi hors établissements, en général dans des centres urbains. Elle est exercée par les médecins de toute spécialité hors médecine générale, que les médecins de premier recours sollicitent pour avis ponctuel ou de manière régulière dans le cadre de parcours de soins en coordination avec la médecine de 1re ligne. Les spécialités de 2e ligne contribuent à la gestion des situations nécessitant leur expertise, en apportant leurs réponses grâce à des actes techniques spécifiques, à des avis sur des procédures diagnostiques et/ou thérapeutiques, ou à des suivis spécifiques nécessités par les pathologies concernées. Son champ est soit ambulatoire, soit hospitalier en fonction de la nécessité du recours au plateau technique. La médecine de 2e ligne doit renvoyer les situations expertisées vers la 1e ligne pour que la coordination autour du patient soit pertinente et que le parcours soit cohérent. 3/ La troisième ligne La médecine de 3e ligne relevant des soins tertiaires, est définie comme la médecine nécessitant un plateau technique significatif et un environnement hospitalier. Elle gère les situations graves et/ou compliquées, privilégie les explorations complémentaires et le recours au plateau technique ; sa finalité est d’aboutir à un diagnostic étiologique, d’utiliser les moyens mis à disposition dans le temps le plus court possible et de manière ponctuelle unique ou répétée, et de mettre en œuvre les procédures thérapeutiques qui nécessitent des moyens relevant d’un plateau technique lourd. Son champ est hospitalier, elle s’exerce dans les établissements de santé. La 3e ligne médicale relève de tout ce qui demande une concentration des moyens requis par l’état de santé des patients qui y sont adressés : centres hospitaliers universitaires (CHU) qui définissent l’excellence et regroupent les technologies et les expertises les plus avancées, centres hospitaliers généraux (CHG), centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie (CHSP), établissements de santé privés. L’accès à la 3e ligne doit être régulé et organisé en fonction de l’état de santé du patient et d’un parcours décidé en coordination avec la 1re ligne.
C’est ainsi que les demandes de soins, les démarches, les missions, les compétences et les champs d’activité de chaque niveau de soins doivent être clairement distincts et identifiés. La collaboration entre les professionnels des différentes lignes du système de santé sera d’autant plus pertinente et efficiente que ces professionnels auront des repères clairs de leur activité et de celle des professionnels avec qui ils collaborent. III - Conséquences pour la hiérarchisation des soins ambulatoiresLa 1re ligne doit être visible, structurée et bénéficier d’un modèle économique et des moyens d’organiser ses fonctions support. Le législateur a posé les bases d’une organisation des soins apportés à la population en la centrant sur les bassins de vie et non autour des hôpitaux en créant en 2016 les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles territoriales de santé. Les CPTS doivent permettre la structuration des soins de ville en les rendant visibles ; elles ont pour missions d’améliorer les parcours de soins entre premier et second recours, entre ville et hôpital, de faciliter le maintien à domicile et de développer des actions de prévention populationnelle. Le maillage du territoire voulu par le Gouvernement est de 1 000 CPTS pour des bassins de vie d’environ 60 000 habitants. Place de la médecine générale Les médecins de 1re ligne sont les médecins généralistes, médecins traitants, qui exercent en cabinet individuel ou regroupé, de plus en plus en équipes de soins coordonnées au sein de structures pluri professionnelles, voire aussi en exercice mixte entre ville et établissements de santé. Aujourd’hui, le D.E.S de médecine générale forme les jeunes professionnels à un exercice de 1re ligne dans l’environnement des patients. C’est la raison de l’évolution de la maquette de médecine générale vers une formation privilégiant les apprentissages en contexte ambulatoire pour que les spécialistes en médecine générale acquièrent les démarches spécifiques de la 1re ligne et s’orientent vers un exercice spécialisé de ce type. Le paysage de la 1re ligne est en mutation, caractérisée par l’évolution vers un exercice regroupé et pluri professionnel. C’est dans ce contexte que la profession elle-même a inventé le concept de maison de santé pluri professionnelle dont le développement est maintenant largement accompagné par les tutelles, avec une logique proche des centres de santé pluri professionnels, pour ceux ayant une démarche de 1re ligne. D’autres médecins exercent la médecine générale au sein d’équipes de soins primaires, assument les fonctions de soignants et de coordonnateurs dans les EHPAD, ou exercent une activité mixte associant médecine libérale et soins prodigués en établissements de santé. IV - Conséquences pour la hiérarchisation des soins hospitaliersLe rapport du HCAAM publié en juin 2018 sur la transformation du système de santé plaide pour la création d’établissements de santé communautaires de proximité. Ce sont des établissements avec plateau technique léger permettant aux patients, notamment âgés et/ou poly pathologiques, d’être accueillis pour des séquences de soins ne pouvant pas être effectuées au domicile, mais ne nécessitant pas le recours à des plateaux techniques significatifs ni le recours à l’hospitalisation en service spécialisé de 3e ligne. Ces établissements de santé communautaires de proximité qui sont préfigurés par les « anciens hôpitaux locaux » ayant pour certains réglementairement évolué en « hôpitaux de proximité » dans le cadre de la réforme de 2016, font partie intégrante du niveau des soins de premier recours. Certaines des structures ayant cette appellation ne sont pas configurées comme les ex hôpitaux locaux. En effet, certains centres hospitaliers ont été requalifiés en hôpitaux de proximité, alors qu’ils continuent à exercer des activités de deuxième voire de troisième recours. Selon un rapport de la DGOS de 2017, les médecins généralistes représentent les deux tiers des effectifs médicaux des hôpitaux de proximité. 40% d’entre eux, notamment les ex hôpitaux locaux, ne fonctionnent qu’avec des médecins généralistes ayant par ailleurs une activité de médecine générale libérale. L’accueil des patients relevant du premier recours dans des établissements de santé communautaires de proximité est aujourd’hui une réalité dans les anciens hôpitaux locaux. Ce modèle peut être reproduit dans tous les territoires de soins afin de respecter une juste gradation des soins. Une adaptation à ces nouvelles missions des centres hospitaliers existants est nécessaire ; elle devrait se traduire par l’individualisation de services d’accueil pour des hospitalisations de courte durée quand le maintien à domicile n’est plus possible pour des raisons médicales ou sociales. Les médecins généralistes pourraient ainsi y poursuivre le suivi de leurs patients. Ils s’appuieraient sur des unités d’accueil de courte durée et des services de soins de suite et de réadaptation. Ces services seraient animés et gérés par des médecins généralistes, bons connaisseurs des besoins et des contraintes du secteur ambulatoire. L’admission des patients serait facilitée par un lien direct entre leur médecin traitant et le médecin généraliste de l‘établissement, le passage par les services d’urgences leur serait évité. Le retour à domicile serait préparé en partenariat avec la coordination d’appui des CPTS.Pour rester cohérente, cette offre de soins de première ligne ne doit pas être pilotée par les services de médecine des centres hospitaliers ou des établissements support des GHT, mais par des médecins généralistes connaissant l’exercice ambulatoire, ou temps partiels praticiens hospitaliers / libéraux, la connaissance de l’exercice en ville étant une condition indispensable au bon fonctionnement de ces services communautaires. Missions des établissements de santé communautaires de proximité Médecine de 1re ligne ne nécessitant pas un plateau technique lourd (mais incluant a minima biologie, radiologie et échographie) après admission directe par le médecin traitant ou après explorations a minima aux urgences : médecine aigüe (fièvre aigüe, infections pulmonaires, etc.), explorations et évaluations (aggravation de la dépendance, chutes notamment chez les personnes âgées …), soins palliatifs en proximité..
V - Conséquences pour la formation initiale des médecinsL’évolution du système doit s’accompagner de celle de la formation initiale. La formation hospitalière dans un contexte de 3e ligne pour tous les étudiants a comme conséquence une pratique de la majorité des acteurs inspirée des caractéristiques de cette 3e ligne. Cette formation inadaptée pour le champ ambulatoire oriente les étudiants dans un modèle privilégiant la technique et l’utilisation des moyens pour diagnostiquer des pathologies peu prévalentes. Ce mode de raisonnement et de démarche est très apparent chez les spécialistes hors médecine générale. Beaucoup de ces derniers se sont installés dans le champ ambulatoire pour une activité théorique de 2e ligne ; or l’accès non régulé et non coordonné des patients, qui a pour les professionnels un intérêt économique indépendant des besoins de santé, les conduit pour certains à avoir de facto une activité de 1re ligne en appliquant les préceptes de 3e ligne dont ils sont issus. Les effectifs ambulatoires des spécialistes hors médecine générale correspondent au « ruissellement » hors du contexte hospitalier formateur des ex internes ayant assuré le fonctionnement des services hospitaliers sans que ces derniers ne puissent offrir les emplois correspondant au nombre des médecins formés. Les conséquences de l’absence de gestion des effectifs globaux en fonction des missions respectives des professionnels et des besoins de santé aboutit à modeler le système de santé dans un recours à la 2e ligne et à la 3e ligne beaucoup plus important que son utilité pour la santé individuelle et collective. Ceci a des conséquences délétères en termes de pertinence des soins et de dérive des coûts liée aux recours inappropriés à des moyens techniques coûteux. La question de la soutenabilité financière de ce système est de toute façon posée à moyen terme. La création, il y a 10 ans, de la filière universitaire de médecine générale a permis à la médecine générale de s’installer progressivement dans le paysage universitaire et avec la réforme des D.E.S arrive le moment où des effets deviennent visibles sur la qualité de la formation et l’orientation de jeunes vers la discipline. Toutefois, cet effet ne pourra se manifester pleinement qu’après plusieurs années de mise en œuvre de la réforme de 2017. Il ne sera pleinement efficace à grande échelle qu’à deux conditions :
La médecine polyvalente qui s’exerce exclusivement à l’hôpital, dans des établissements de 3e ligne, devrait être reconnue comme telle et rattachée à la médecine interne. Les médecins généralistes recrutés par l’hôpital ne pourraient conserver cette qualification que s’ils sont au moins en exercice à mi-temps en médecine générale ambulatoire. Le choix d’un exercice exclusivement hospitalier, d’emblée ou secondairement, les fait quitter de facto la spécialité de médecine générale et intégrer un cursus de formation de médecine interne polyvalente hospitalière. En formation initiale, le contingent d’internes formés pour la FST de médecine polyvalente hospitalière doit être prélevé sur les contingents de D.E.S hospitaliers, et non sur le D.E.S de médecine générale. Dans le cas contraire, on assisterait à la poursuite de la fuite des effectifs de futurs médecins généralistes vers une pratique hospitalière aggravant le problème démographique dans les territoires. ConclusionDans un système de santé ainsi organisé et hiérarchisé, la logique et la complémentarité des parcours de soins des patients entre premier, second et troisième recours, entre ville et hôpital, s’articulent grâce à :
------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 1 : Il s’agit de la traduction littérale du terme anglais utilisé par l’OMS. Le Code de la Santé Publique définit les équipes de soins primaires. Le CNGE utilise le terme soins premiers dont la signification est plus adaptée selon les universitaires de médecins générale. Ce texte utilise par défaut la dénomination soins primaires.
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